Le Rapport de Brodeck

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Un soir, Brodeck pousse la porte de l’auberge Schloss. A l’intérieur, il y trouve réunis les hommes du village. Rapidement, il comprend qu’ils viennent de commettre l’irréparable. Unis dans le crime, les hommes exigent alors de Brodeck qu’il rédige un rapport sur ce qui s’est passé. Pourquoi lui qui n’a même pas pris part à cet "Ereigniës", cet événement dont on ne parle plus mais qui occupe tous les cœurs ? Peut-être parce que Brodeck a fait des études, qu’il passe son temps à rédiger des rapports sur la flore et l’évolution des paysages de la région – que lui commande un obscur ministère et qui ne sont probablement jamais lus -, qu’il est le seul à savoir "les mots et comment on les utilise et comment aussi ils peuvent dire les choses". Peut-être  aussi parce qu’il est "différent". Bien qu’ayant grandi au village, il n’en demeure pas moins un étranger. Est-ce pour cela qu’il a été le seul à accueillir l’Anderer, cet autre que les hommes du village ont assassiné ? Le seul à avoir échangé avec lui, le seul aussi à s’être parfois confié à lui. Etre l’autre, l’éternel étranger, Brodeck sait ce que cela signifie. Il porte dans le cœur et dans ses chairs les souffrances charriées par la guerre et les camps où l’on enfermait ces "autres". Aussi lorsque l’ "Anderer" débarque au village avec ses coquetteries incongrues, ses manières d’un autre monde, Brodeck comprend, sait, sent que son destin est déjà scellé.
Une fois encore, Philippe Claudel livre en toile de fond la guerre et ses abominations et révèle l'humain dans ce qu'il a de plus vil et de plus terrible. La rédaction du rapport sur l’Ereigniës et l’Anderer réveille en Brodeck les échos de sa propre histoire, celle qu’il a enfouie au plus profond : les déceptions, les humiliations, la montée d’un fascisme sournois, les hommes qu’on entasse pour mieux disposer de leur vie et de leur mort, des hommes dont le seul crime est d’être l’étranger de quelqu’un. Un roman terrible, où les noirceurs de l’âme humaine sont mises en lumière par la plume toujours riche et élégante de Claudel.

Le rapport de Brodeck de Philippe Claudel. Editions Le livre de Poche (2009). Paru chez Stock en 2007. Illustration couverture : Le Jeune Homme de l’Hospice de Roger Toulouse, 1947 (Musée des Beaux-Arts d’Orléans)

Merci à Laure pour ce joli cadeau !

Publié dans dans la poche

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F
Bonjour Véro,Je découvre ton blog via celui d'une autre Véro de la Réunion et il me plaît bien.J'adore Philippe Claudel. " Le rapport de Brodeck" m'a bouleversée. Je trouve que c'est un chef d'oeuvre et je suis très contente qu'il ait obtenu le Prix Goncourt des Lycéens 2007.J'ai rencontré cet auteur lors du Grand Prix des Lectrices de ELLE 2004, il avait alors reçu le Prix Roman pour " Les âmes grises". C'est un homme charmant et très intéressant.
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V
<br /> <br /> Bonjour Finette et bienvenue!<br /> <br /> <br /> J'aime beaucoup l'écriture de Claudel et Le Rapport de Brodeck est vraiment<br /> magnifique!<br /> <br /> <br /> <br />
P
Un livre que je n'ai pu lacher avant la fin.
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A
Je l'ai dans ma PAL, il est donc pour bientôt...mais j'ai des livres prêtés à lire aussi ;o)) !
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