Comme personne
Au cœur de la seconde Guerre Mondiale, dans un Berlin déjà dévasté, Maria perd son fils Gregor lors d’un bombardement. Alors qu’elle est encore sous le choc, son père Emil lui met dans les bras un jeune enfant réfugié. Il deviendra Gregor, sans que jamais le mari de Maria, alors sur le front, ne soit au courant de la substitution.
Mais à l’adolescence, suite à une remarque de l’oncle Max, Gregor pressent qu’il n’est pas celui que sa mère s’est exhortée à lui faire croire. La vérité ne sera jamais dite, Maria se terrant dans son mensonge : Gregor est son fils, le reste n’est qu’affabulation d’ivrogne. Résolu à connaître la vérité et à comprendre qui il est et d’où il vient (un enfant juif, réfugié ? un enfant de remplacement ?), Gregor coupe les ponts avec sa famille pour une longue errance intérieure. Le trou béant d’un passé jamais reconnu plane sur sa vie, faisant exploser jusqu’au bonheur qu’il a construit avec sa femme Mara.
Musicien solitaire, Gregor rejoint son ex-femme, son fils et leurs amis à la campagne pour la cueillette des pommes. Les années ont passé, chacun a construit sa vie comme il a pu mais les blessures affleurent. Comme celle de Daniel, que l’obsession de Gregor a privé de père. Une journée comme un point d’orgue à la quête de Gregor qui lui apportera enfin une forme de paix.
Avec Gregor, le lecteur erre dans les ruines d’un Berlin défiguré par la guerre, dans les couloirs de la Gestapo, vogue sur le cours de l’histoire d’une ville qui représente à elle seule les soubresauts de l’Histoire (une guerre, un mur qui se dresse puis qui tombe). Avec Gregor, on vibre aussi au rythme de la musique qui devient sa vie, son expression mais aussi de l’errance, celle d’un homme qui cherche son passé, son identité pour se construire. La plume sèche d’Hugo Hamilton m’a, au départ, déstabilisée puis doucement, je m’y suis habituée et j’ai aimé cheminer auprès de Gregor et remonter avec lui le fil du souvenir et guetter les signes de son passé effacé.
Comme personne d’Hugo Hamilton (traduit de l’anglais (Irlande) par Joseph Antoine). Editions Points/ 2011.
Merci à Bibliofolie et aux éditions Points pour cette lecture.