Le mec de la tombe d'à côté
Désirée, bibliothécaire citadine et palichonne vient régulièrement sur la tombe d’Örjan, son époux décédé brutalement d’un accident de vélo. La stèle de son mari, choisi d’ailleurs par lui, semble à l’image de la vie et de l’appartement de Désirée : dénuée de fioriture, presque aseptisée. Ce qui est loin d’être le cas de la tombe d’à côté que Désirée trouve vulgaire et criarde, sans cesse entretenue par un homme aux mains sales et à la casquette ridicule. Sans jamais s’adresser sa parole, Désirée et Benny (le mec de la tombe d’à côté) s’agacent mutuellement à coups de regards en coin. Mais un jour, Benny sourit à Désirée. Surprise, elle y voit « du soleil, des fraises des bois, des gazouillis d’oiseaux et des reflets d’un lac de montagne ». Et elle lui répond avec « un sourire de gamine en vacances ». En quelques secondes, ces deux-là viennent de sceller, sans le savoir encore, leurs destins. Et d’entamer une chaotique histoire d’amour où la passion dévorante se heurte à la vie. Car question vies, on peut difficilement plus opposées (au risque même de frôler la caricature…) : Désirée vit entourée de livres, dévorant les pages culture du journal, pleurant devant Rigoletto, son opéra favori quand les journées de Benny sont rythmées par les travaux exigeants d’une ferme crasseuse qu’il doit gérer seul. Et le désir dévorant du début laisse place à la déception, aux agacements, aux remarques pleines de fiel. On s’interroge, on s’évite un peu, on se retrouve, on essaie d’amener l’autre dans son monde sans vouloir faire de concessions.
La passion à l’épreuve de la vie, voilà comment pourrait se résumer Le mec de la tombe d’à côté. Si l’expression populaire affirme que « les contraires s’attirent », elle ne dit cependant jamais ce qu’il advient de la suite de l’histoire. Katarina Mazetti en imagine une à travers une relation houleuse où le vernis des petits arrangements de façade craque bien vite. Un roman agréable, parfait pour la détente, auquel on pourrait reprocher parfois le côté un peu caricatural des personnages et le manque d’exploitation de la double narration (quitte à choisir de donner la parole aux deux protagonistes, pourquoi ne pas donner un vrai ton à chacun ?). Mais heureusement, le roman ne tombe pas dans la mièvrerie avec happy-end obligatoire. Non, on n’est pas dans une comédie américaine et Katarina Mazetti offre une fin ouverte (idéale bien sûr pour une suite, qui est d’ailleurs parue) intéressante.
Le mec de la tombe d’à côté de Katarina Mazetti (traduit du suédois par Lena Grumbach et Catherine Marcus). Editions Actes Sud, coll. Babel/ 2009 (paru en 2006 chez Gaïa).
Une lecture partagée avec Anne, George, Miss Alfie, Estellecalim, Mrspepsys et Valou.