Un soupçon légitime

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Betsy et son mari à la retraite se sont retirés dans « une petite localité campagnarde des environs de Bath ». Leurs enfants sont grands et mariés depuis longtemps, le couple aspire à passer leurs vieux jours dans un endroit paisible. La vallée de Limpley-Stoke est toutefois un peu trop tranquille et c’est avec joie que Betsy et son mari voient des voisins s’installer près de chez eux. Ils font rapidement la connaissance de Mrs Limpley, la gentille voisine qui semble tout à fait s’accommoder des absences de son époux. Un curieux comportement que le couple comprend bien vite sitôt qu’il rencontre Mr. Limpley : un grand bonhomme encombré par sa massive corpulence, d’une grande générosité et à la gentillesse terriblement encombrante. C’est un homme heureux dont l’enthousiasme frise l’indécence et épuise son entourage. Voulant occuper un peu la solitude de Mrs Limpley, Betsy lui offre un chiot, un bulldog que Mr Limpley nomme Pato et qui devient rapidement le fruit de toutes ses attentions. Mais l’animal se révèle bien vite capricieux et se comporte en roi de la maisonnée, s’impatientant dès lors que son maître ose s’intéresser à quelqu’un d’autre que lui. Ingrat avec ça – il ne daigne pas combler les demandes de caresses de son maître. Un beau jour, une grande nouvelle va bouleverser l’ordre établi. Tout à sa joie, Mr Limpley ne s’aperçoit pas que Pato vit mal sa mise à l’écart.

Stefan Zweig a l’art de sonder les agitations et les tourments de l’âme humaine. Apparemment ceux de nos amis canins aussi ! Trêve de plaisanterie, ce chien-là est ma foi bien humain – c’est en tout cas comme cela que l’analyse Betsy. Mais de l’humain, il n’a pas les qualités mais plutôt les travers. A travers le personnage de Pato, c’est le rapport de domination, la jalousie, la perte du pouvoir et l’esprit de vengeance que Zweig décortique avec finesse. On en sourirait presque… au début car bien vite, on comprend que ce chien-là est une bien horrible figure et l’on sent poindre le drame, sans oser y croire. D’ailleurs qui pourrait y croire ?

Avec la parution l’an dernier du délicat Voyage dans le passé et ce Soupçon légitime aujourd’hui, les éditions Grasset nous gâtent, nous autres aficionados de Zweig (même si celui-ci n’est pas mon préféré mais la plume est toujours goûteuse). Alors peut-être que c’est aussi du marketing (il ne faut pas rêver non plus, hein !) mais c’est toujours un bonheur de découvrir un inédit d’un auteur dont on a déjà presque tout dévoré. Et puis l’objet est fort joli et réjouira les amoureux de la langue de Goethe car les textes en français sont suivis de l’original en allemand (oui j’ai compris, là aussi c’est marketing : au lieu de nous servir un recueil de nouvelles, ils en sortent une par une avec le texte original, moyennant 10 euros (11,50 € de ce côté-ci de la terre) – et j’ai beau être fan, 11,50 € la nouvelle, c’est cher !).


 

 

Un soupçon légitime de Stefan Zweig (traduit de l’allemand par Baptiste Touverey). Editions Grasset (2009).

Publié dans Voyages à l'étranger

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N
<br /> En tout cas tu nous donne de belles envies de lecture Véro. :)<br /> Je ne connaissais pas celui là de Stefan Zweig (et hop dans ma PAL !)<br /> Merci à toi et à bientôt !<br /> <br /> <br />
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V
<br /> Bonne lecture alors Natacha!<br /> <br /> <br />
A
<br /> Pas encore craqué sur toutes ces nouvelles de Zweig qui me font de l'oeil, pourtant !!<br /> <br /> <br />
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V
<br /> <br /> Ah tu devrais! Pour moi, c'est toujours un plaisir de lecture!<br /> <br /> <br />  <br /> <br /> <br /> <br />