Personne

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aubry-personne.jpgVingt-six chapitres comme vingt-six fragments d’un père morcelé. Un père manquant et manqué car enfermé dans une maladie qui l’a éloigné du monde et de sa famille : la psychose maniaco-dépressive. Un père soutenu aussi, quand elles en avaient la force, par ses deux filles. Et c’est l’une d’elles, l’écrivain de la famille, Gwenaëlle Aubry, qui livre aujourd’hui ces morceaux de père dispersé, alternant ses souvenirs et extraits des journaux que son père n’a cessé d’écrire tout au long de sa vie. Ils disent la « folie », la conscience de la maladie aussi, la souffrance et un amour filial profond. Dans ce portrait  sensible en forme d’exutoire – « (je ne fais rien d’autre, finalement, écrivant ce livre, que prononcer son nom) » - porté par la plume élégante et érudite de Gwenaëlle Aubry, l’émotion est palpable, celle d’un lien distendu malgré l’amour sincère.

 

p. 12 : « On raconte, je ne sais plus où, cette histoire du Golem qui, parce que chaque matin il oubliait où était ses vêtements, décide un soir de noter leur emplacement. Au réveil, il parvient enfin à remettre la main sur chacun, passe pantalon, veste et chapeau, mais soudain il s’aperçoit qu’il lui manque encore quelque chose : moi-même, se demande-t-il soudain, où me suis-je laissé, où suis-je donc ? Voilà, je crois, ce que faisait mon père chaque matin : il attrapait cigarette, stylo et cahier, et il se demandait où il s’était laissé. Il tendait la main, saisissait des défroques, des costumes rapiécés, des manteaux d’Arlequin. Sur la page blanche surgissaient les masques de sa scène intérieure, un peuple nombreux, bariolé, titubant, le Fils prodigue et l’Amoureux éconduit, le Clown et le Pirate, le Flic et le Truand, le Moine et le Débauché, le Bourgeois et le Clochard, le Sage et le Fou. Mais lui dans tout cela, il n’y était pas. Parfois aussi il tentait un portrait, il énumérait ses qualités, nom prénom date de naissance signes particuliers, puis il s’arrêtait net, comme s’il n’y croyait pas : lui-même, où s’était-il laissé, où était-il donc ? »

 

 

Personne de Gwenaëlle Aubry. Editions Mercure de France/ 2009. PRIX FEMINA.

Publié dans Voyages en France

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A
<br /> <br /> Je n'étais pas certaine d'avoir envie de lire ce livre, encore un récit de perte de mémoire, mais tu me ferais presque changer d'avis !!<br /> <br /> <br /> <br />
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V
<br /> <br /> Plus que sur la perte de mémoire, c'est sur la maladie maniaco-dépressive. Il y a dans les journaux du père de grands moments de lucidité. Je dirai plutôt que c'est<br /> un texte sur l'absence. Attends qu'il soit dans ta médiathèque, c'est l'occasion d'essayer sans prendre trop de risques...<br /> <br /> <br /> <br />
C
<br /> <br /> Je n'ai pas accroché à ce livre...<br /> <br /> <br /> <br />
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V
<br /> <br /> Ce n'est pas forcément évident et puis la mention "roman" sur la couverture est troublante. Pour moi, c'est plutôt un récit, une tentative de reconstruction d'un<br /> père morcelé qui convoque le souvenir. La plume est agréable dans l'ensemble (elle ne m'a pas forcément plu tout le temps) et surtout j'ai trouvé qu'il y avait beaucoup d'émotions dans certains<br /> chapitres.<br /> <br /> <br /> <br />