Tom est mort
« Avant il s’appelait Tom Winter, maintenant il s’appelle Tom est mort. » Et avec lui, sa mère. Celle qui avait un petit garçon de quatre ans et demi et qui vient d’emménager en Australie. Dix ans plus tard, elle couche dans des cahiers l’indicible : la mort brutale, la culpabilité, le deuil impossible, les tentatives de relève, la douleur et les deux autres enfants qu’on oublie parfois de regarder grandir. Une confession que Stuart, son mari, trouve morbide, macabre. Mêlant souvenirs du temps de Tom, ceux tout proches de la mort – le juste avant et l’effondrement du juste après -, ceux des autres enfants aussi, du mari, de la famille, son propre ravage intérieur, l’aujourd’hui où la douleur demeure, le texte de Marie Darrieussecq est un monologue poignant dans lequel une femme blessée se jette à cœur perdu, comme pour tenter de renaître, sans oublier jamais. Comment dire cette douleur dont on ne se relève jamais complètement ? Le livre de Darrieussecq sonne tellement juste que l’on se demande même comment elle a pu l’imaginer sans le vivre. On tourne en rond autour de cette douleur, de ce manque incommensurable. J’ai au début eu peur de m’y ennuyer mais non, je la comprends, je la conçois cette idée fixe. Elle me touche même si j’ai parfois eu envie de crier à la narratrice : « allez ! relève la tête ! ». Mais une voix murmurait à mon cœur de mère : « et toi tu ferais quoi ? Imagines-tu de perdre un tel amour ? ».
Tom est mort de Marie Darrieussecq. Editions P.O.L.
Rentrée littéraire 2007
Crédit photo : P.O.L. & Amazon
Extraits :
p.13 : « Le jour où chacun des souvenirs que j’ai de Tom sera teinté par sa mort – ne sera plus isolé de sa mort – alors peut-être je saurai qu’il est mort. Toute sa vie sera prise dans sa mort. Alors en quelque sorte il aura le droit de mourir. Ce sera sa mort à lui, et pas ma mort à moi, la mère de Tom. Je ne sais pas comment dire ça. Il avait quatre ans et demi. »
p. 224 : « Celle qui est morte avec Tom, c’est la mère de Tom. Reste la mère de Vince et de Stella. La mère de Tom n’est plus. Celle que Tom voyait. Celle que j’étais dans le regard de Tom, née avec Tom et pour Tom. Dix ans après, je me souviens mal d’elle. Je me souviens de Tom. Il me semble que je pourrais, pendant quatre ans et demi plus une grossesse, faire redéfiler, minute par minute, sa vie entière. De la première échographie à la dernière image. Je le contiens, il est avec moi. Mais dans les blancs, dans les moments où il était à l’école, dans les moments où il était loin de mon regard, qui était la mère de Tom ? Je ne la vois plus. Dans les blancs, elle disparaît. Il m’a peut-être emportée. Il m’a prise avec lui. C’est une idée presque apaisante. Me dire que je l’accompagne, où qu’il soit. Que je lui suis d’un peu d’aide. Et qu’une écorce vide reste ici à faire mes gestes et à garder mon souffle, une femme de paille. »
L'avis de Clarabel