Le cimetière des poupées

Publié le par l'encreuse

Dans une longue lettre adressée à son mari, une femme se confie, tentant d’expliquer l’inexplicable : le meurtre de son nouveau-né. Elle dit sa vie d’enfant, d’adolescente, de mère aimante, de femme soumise. Une vie passée à tenter d’être aimée, d’abord par une mère bien trop occupée puis par un mari qui nie son statut de femme. Une vie passée dans l’ombre et l’angoisse, à tenter en vain de satisfaire les autres. Elle livre aussi la dernière grossesse tue, cachée, vécue dans la solitude.

Le roman de Mazarine Pingeot a déjà fait couler beaucoup d’encre, certains lui reprochant d’exploiter le terrible fait divers dit « des bébés congelés ». Au-delà de cette polémique, ce livre est un monologue enragé qui dit la violence et dérange. Il aborde le quotidien d’une femme humiliée par un mari qu’elle admire, d’une femme qui subit parce qu’elle ne se sent pas digne d’amour. Il évoque ces violences qui ne laissent pas de traces sur les corps mais bousillent les cœurs et les êtres de l’intérieur. C’est un texte fort qui dérange car, si l’on ne peut excuser l’infanticide – dont le déroulement n’est d’ailleurs pas révélé, une bonne chose ! -, la narratrice déroule sous nos yeux un processus macabre dont on « comprend » la finalité. Non que cela rende le geste excusable mais il répond à une logique propre qui ne procède pas d’un esprit sadique mais d’un geste d’amour réfléchi. Pire encore, me direz-vous. Peut-être. En tout cas, ce texte court et tenu ne laisse pas indifférent.

 

Extraits :

 

p.20 : « Ce qui me manque. Entendre tes clefs dans l’escalier. Je reconnaissais leur musique comme les chats, dès que tu ouvrais la porte cochère, je savais que c’était toi, ton doigté, ton trousseau lourd, clinquant, et mon cœur se serrait, de plaisir, non, de soulagement. C’était toi. Bien sûr, dès que tu l’ouvrais, la porte, c’est l’angoisse qui prenait place. »

 

p.77 : « Mon âme – et j’ai conscience que ce mot est excessif s’agissant de ce qui m’a régi depuis que je suis en âge de penser et d’agir – a grandi sous diverses influences, la plupart du temps celle de mon imaginaire, rempli de desseins chaotiques, d’images piochées dans de mauvais romans policiers que je lisais à la pelle dans le grenier de la maison. Je n’avais pas d’amis dans cette province pourrie où les sangs ne se mêlent pas, et j’ai fini par préférer l’enfermement que les rares ouvertures qu’on a pu me proposer. J’avais pris peur de moi-même et protégeais jalousement mes monologues et mes jeux au goût de supplice. Je n’aurais laissé personne entrer dans mon intimité que je savais déjà dangereuse. »

Le cimetière des poupées de Mazarine Pingeot. Editions Julliard.

 

Rentrée littéraire 2007

 

Crédit photo : Julliard &Amazon

 

L’avis de Clarabel !

Publié dans Voyages en France

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C
... un livre qui dérange, c'est vrai ! Rien qu'à le lire, parfois on se sent mal à l'aise. Mais lecture tout à fait "convenable" !
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L
Mon premier "Mazarine" et ma foi, j'ai plutôt aimé sa plume.
L
J'ai prévu de l'acheter (pour la biblio) et donc... de le lire :-))
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F
J'attendrai qu'il fasse son entrée à la biblio, je pense que ça ne devrait pas trop tarder...
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