Comment va la douleur?

Publié le par l'encreuse

Dans une chambre d’hôtel, un homme grimpe sur un tabouret et glisse son cou dans un nœud coulant. Il attend. La porte s’ouvre sur un autre homme. D’un coup de pied, il fait chuter le tabouret. Il referme la porte.

Ces deux hommes se sont rencontrés par hasard quelques jours plus tôt sur le banc d’une ville d’eau.  Entre Simon, le vieux dandy et Bernard, le jeune ahuri, rien de commun. Pourtant, c’est Bernard que Simon choisira pour le libérer de cette vie chargée qui n’est plus que souffrance. Durant les quelques jours qui mèneront Simon à la mort, les deux hommes vont se découvrir, se dévoiler. Qui est donc ce vieil homme qui embauche un Bernard quasi inconnu pour deux jours de boulot grassement payés ? Il se présente comme un entrepreneur à la retraite. Son activité : l’extermination. Sauf qu’en guise d’insectes ou de rats, ce sont des hommes qu’il fait disparaître. Une petite entreprise florissante dont il souhaite suspendre l’activité car il se fait vieux, Simon. Et malade. D’un mal, jamais vraiment nommé, qui lui ronge le corps et fait de sa vie une douleur quasi permanente.

Quant à Bernard, chauffeur du dernier voyage, il vient de perdre deux doigts sur une machine à l’usine. Quelle importance, il ne s’en servait jamais ! Mais il se retrouve au chômage sans que cela l’affecte vraiment non plus. Il vivote dans cette ville thermale tristement animée, s’occupant avec un dévouement qui frise la dévotion d’Anaïs, sa mère. Une femme sur laquelle la vie s’est acharnée et qui trouve dans le rhum Négrita un véritable allié. Au fil de leur périple, Simon et Bernard rencontrent aussi une jeune mère en détresse que Bernard décide de prendre sous son aile. Ce qui n’est pas du goût de Simon mais le mourant n’a pas toujours la force de lutter contre la bonté du jeune homme.

Pascal Garnier, qui n’en est pas à son coup d’essai, signe un roman à la fois sensible et drôle. Du désespoir de chacun de ses personnages, il en retire quelque chose de lumineux et de touchant. L’étrange relation entre Simon et Bernard transcende rapidement celle d’employeur à employé et devient presque passionnelle, oscillant entre tendresse et inimitié. La plume de Pascal Garnier est à la fois humoristique, cynique, grave et chargée d’images poétiques. Un très beau roman qu’on imaginerait volontiers en images, tant le talent de l’auteur pour mettre en scène et camper des personnalités est grand.

 

Extrait :

 

« Le lit était dur et froid malgré la couverture en chenille vert épinard. L’oreiller semblait en carton. Cela n’avait plus d’importance, Simon n’avait d’autre ambition que d’échapper à son corps. Il y parvint après avoir avalé une poignée de pilules qui lui bétonnèrent le cerveau et le rendirent parfaitement étanche. Au fond, il n’était pas plus mal ici qu’ailleurs. Il ne se sentait ni bien ni mal, il ne se sentait plus. L’abus des détergents servant à éradiquer la présence des précédents occupants du mobile home vous procurait une curieuse sensation de virginité. »

Comment va la douleur? de Pascal Garnier. Editions Zulma.

Publié dans Voyages en France

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D
<br /> <br /> Bonjour, c'est le premier roman que je lisais de Pascal Garnier: un bon moment de lecture même si c'est très très noir. Mais pas autant que le Grand loin que j'ai lu par la suite. Je découvre<br /> petit à petit l'oeuvre de Pascal Garnier. Je regrette de ne pas l'avoir fait plus tôt. Un bon écrivain disparu trop tôt. Bonne après-midi.<br /> <br /> <br /> <br />
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V
<br /> <br /> C'est un de mes préférés celui-ci et aussi le premier que je lisais de Pascal Garnier. J'ai découvert aussi récemment "La théorie du panda" que j'ai beaucoup aimé.<br /> <br /> <br /> <br />
F
J'aime beaucoup ton commentaire qui me pousse à lire ce livre. :0055:
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C
Très joli commentaire, je partage ton avis sur ce roman !
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A
Bonjour,je n'ai pas encore lu ce roman mais j'en ai beaucoup entendu parler et ton billet ne fait que renforcer mon envie de le découvrir.A bientôt
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L
Ouh là là, il y a encore du monde qui passe par ici. Voilà qui me fait plaisir même si je ne suis plus aussi assidue!<br /> Bonne résolution de 2007: je me remets à poster sur ce blog. Ca devrait être possible, je pense avoir trouvé à peu près mon rythme de croisière côté boulot.<br /> Au fait, bonnes fêtes à tous!