Bonheur fantôme
Ma PAL semble recéler des trésors et en voilà un vrai ! Un roman tout en douceur, en pudeur, en sensibilité qui vous emporte, vous murmure à l’oreille sa petite musique, vous livre le cœur de Pierre, son narrateur, en touchant le vôtre, indéniablement.
« Fuir le bonheur de peur qu’il ne se sauve comme une petite souris dans son coin d’alcôve » : c’est ce qu’a fait Pierre à 28 ans. Il a quitté sa vie parisienne, son amour, son boulot et avant ça, ses études et sa thèse. Son alcôve à lui, c’est une campagne de la Sarthe. Il y a acquis une vieille maison, a ouvert un magasin de brocantes. Il se tapit là, tisse des liens avec le patron de la crêperie, avec la vieille Paulette de la ferme voisine, et il écrit sur Rosa Bonheur, une peintre animalière du XIXème. Et petit à petit, c’est lui-même que Pierre livre : la blessure jamais refermée suite au décès brutal de son frère jumeau il y a dix-huit ans, sa rencontre avec R., leur amour qu’il a fui par peur de l’abandon sans pouvoir se défaire du sentiment. Dans la solitude, Pierre tente de se reconstruire.
Un roman en forme d’introspection qui dit le deuil, l’absence, la vie avec une part manquante mais aussi et surtout chaque page de Bonheur fantôme est habitée par l’amour inconditionnel qui lie Pierre à R. De ceux qui rongent et éblouissent.
p. 120 : « Je suis un croque-mort qui prépare lui même son cercueil. Je mesure ce qui va se perdre, ce qu’il n’y a plus, désormais, qu’à regretter. Un amour monstre.
Il y a dix hommes au moins dans la tombe de mon amour.
Mon meilleur pote pour commencer, avec qui rire est une occupation sérieuse. Mon confident, celui qui me comprend mieux que personne. Il est mon aîné, celui qui connaît qui je suis, d’où je viens, celui qui m’a appris à marcher sans lui tenir la main. Celui qui sait aussi tout ce que je ne sais pas, qui voit de l’autre côté où mes yeux ne vont pas. Il est le contradicteur, le chamailleur, l’adversaire qui dit blanc quand je pense noir, et pourtant mon seul allié, me gardant à droite quand je me garde à gauche, comme font les frères d’armes. Et en même temps, il est l’amant. Celui dont le corps familier fait monter en moi une tendresse à pleurer.
Ce qui est atroce, quand on quitte quelqu’un comme ça, c’est qu’on quitte tout. »
Bonheur fantômed’Anne Percin. Editions du Rouergue, coll. La Brune/ 2009.
Vous avez été nombreux à lire et à aimer Bonheur fantôme : Laure, Clarabel, InColdBlog (avec en sus une interview d'Anne Percin), Clara, Papillon, Cathulu.