Les ivresses de Madame Monro

Publié le par l'encreuse

Second volet de La trilogie du jardin d'hiver, Les ivresses de Madame Monro donne la parole à la mère de Syl, vieille voisine de Monica et Margareth. Dans un monologue où se mêlent les préparatifs lointains du mariage, des considérations de mère et de femme ainsi que des radotages de vieille, Madame Monro se livre. Agée, elle vit avec son vieux chien et son vieux fils sur le point de se marier. Loin de craindre la solitude, elle avoue au contraire le soulagement d'avoir perdu son mari et souhaite l'envol - qu'elle juge tardif - de sa progéniture. Pendant la période d'effervescence due aux préparatifs du mariage, elle renoue, malgré elle, avec Lili, femme libérée et séductrice, qu'elle aurait préféré oublier. Finalement les visites de cette dernière amènent un peu de lumière et d'excentricité dans cette vie terne et conformiste. Lili apporte avec elle la fumée de ses cigarettes, des confessions dérangeantes et les vapeurs d'alcool que les deux femmes consomment à longueur de conversation.

C'est avec grand plaisir que j'ai retrouvé l'univers et la plume féroce d'Alice Thomas Ellis. Je dois même dire que ce second volet m'a encore plus enchantée que le premier. J'ai aimé cette Madame Monro vieillissante qui n'aspire qu'au calme, ses interrogations, son oeil acéré sur la jeune Margareth, ses réflexions cyniques et justes sur la société. Elle me plaît, cette Madame Monro ! Même son petit côté alcoolo si bien retranscrit dans le livre : les radotages, les sauts du coq à l'âne, toute cette fausse désorganisation du récit, reflet de l'état d'esprit du personnage et du fil de sa pensée. Chapeau, miss Ellis ! Je sens déjà que le troisième volet qui met en scène le complexe et sulfureux personnage de Lili va être grandiose! D'accord, Clarabel m'a un peu mise sur la piste : par ici.

 

 

Extrait:

"La plupart des filles de son âge passaient un quart de leurs vacances fourrées les unes chez les autres; elles se promenaient à longueur de temps - comme des chats de gouttière - avant que le mariage et les responsabilités ne les domestiquent, ternissant leur fourrure brillante, faisant taire leurs plaintes. L'adolescence se caractérise la plupart du temps par un mélange indissociable d'innocence et d'insolence. Lorsque leurs aînés exigent d'eux qu'ils se conforment aux règles sociales, à l'hypocrisie - car, si l'on veut être honnête, c'est bien de cela qu'il s'agit -, à ces compromis qui rendent la vie possible, les jeunes affichent souvent, pour toute réponse, une étrange supériorité. Il y a peu de chances qu'il se soient déjà livrés à quoi que ce soit de vraiment ignoble, mais ils soupçonnent en revanche leurs aînés de l'avoir fait. Se faire dicter sa conduite par une personne engoncée jusqu'au cou dans la turpitude morale est agaçant pour tout le monde, mais plus particulièrement pour la jeunesse."

Les ivresses de Madame Monro d'Alice Thomas Ellis (traduit de l'anglais par Agnès Desarthe). Editions Points Seuil.

Crédit photo : Points & Amazon

Publié dans dans la poche

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J
<br /> <br /> Je vais tenter cette auteure... Tu m'as donné envie.<br /> <br /> <br /> <br />
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V
<br /> <br /> Tu fais bien! J'ai vraiment cette trilogie du Jardin d'hiver et sa construction originale: le même événement (le maraige de Margareth vu par trois points de<br /> vue de femmes)<br /> <br /> <br /> <br />
C
Ah vi, j'avais beaucoup beaucoup beaucoup aimé aussi ! ! ! C'était ma rencontre avec l'auteur, du coup j'ai acheté tous les bouquins publiés à son nom et je savoure au compte-goutte ! :)))
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L
J'ai moi aussi noté tous les autres titres! Merci encore car c'est à toi que je dois cette découverte! :))