Asterios Polyp
Me voilà bien embêtée : j’ai beaucoup beaucoup aimé ce roman graphique, couronné à Angoulême en janvier dernier du Prix Spécial du Jury, mais je ne sais absolument pas comment en parler. C’est le genre d’album qui mérite d’être mis dans les mains de qui voudrait le lire et c’est tout. Ok, j’essaie quand même…
Asterios Polyp, la cinquantaine, vit seul dans un appartement qui semble bien refléter l’esprit de son propriétaire : laisser-aller total, désordre et saleté dans tous les coins. Lors d’une soirée solitaire (qu’on imagine être le quotidien du bonhomme), le feu détruit l’appartement new-yorkais d’Asterios qui se retrouve subitement à la rue. Ayant eu le temps d’emporter ce qui lui reste d’économies, il décide de prendre un billet pour n’importe où. Et il débarque à Apogee. Sans le sou, ne possédant plus que les vêtements crasseux qu’il a sur le dos, Asterios se fait embaucher comme mécanicien chez Stiff, bonhomme rondouillard et généreux qui lui propose également de louer sa chambre d’amis. A la mécanique, Asterios ne connaît pas grand-chose. C’est un intellectuel, architecte reconnu pour ses publications et ses plans dont aucun n’a jamais été réalisé. Homme désabusé à l’esprit toujours en ébullition, Asterios plonge auprès de la famille de Stiff dans un monde simple et généreux. A travers ce gros roman graphique, c’est toute la vie d’Asterios Polyp que le lecteur visite : les succès, les blessures, les manques, l’amour, la perte, les cauchemars aussi d’un homme hanté par l’absence d’un frère jumeau mort à la naissance. Polyp n’est pas vraiment un personnage attachant : imbu de lui-même, souvent méprisant, il réussit à saper son propre bonheur sans même s’en rendre compte. Et finalement c’est ce qui nous le rend un peu humain malgré l’agacement qu’il peut parfois provoquer.
Mais plus que l’histoire, c’est dans la construction que réside le réside le grand intérêt de ce roman graphique. Un ODNI, Objet Dessiné Non Identifié, voilà ce qu’est Asterios Polyp ! Mêlant les styles et les lettrages sans jamais perdre le lecteur, David Mazzuchelli passe des cases « classiques » aux pleines pages avec aisance, absorbant véritablement le lecteur dans son récit. Le jeu subtil des couleurs permet d’identifier les sentiments, la réalité, le rêve, le passé, le présent. C’est intelligent sans jamais être déroutant tant l’auteur réussit à nous faire adhérer à son univers qui ne ressemble pourtant à aucun autre. Un coup de génie assurément et un coup de cœur pour moi!
Mais trève de blabla, le meilleur conseil à vous donner est le suivant : si vous croisez Asterios Polyp sur votre chemin, n’hésitez pas à passer un peu de temps avec ce bonhomme étonnant. Sûr qu’il ne vous laissera pas indifférent.
Asterios Polyp de David Mazzuchelli (traduit de l’anglais par Fanny Soubiran). Editions Casterman/ 2010.
Mo avait pris une claque avec Asterios Polyp et elle le dit ici.
Une BD pour les Mercredi de Mango
et pour le challenge PAL Sèches de Mo.