Le Bonheur attrapé par un singe
En poste à Lima, Jean-Baptiste Warnke est numéro deux de l’ambassade des Pays-Bas. La vie semble sourire à ce diplomate : il est amoureux de son élégante épouse et un bon père pour ses deux filles. Une vie simple et heureuse, à laquelle il manque peut-être un peu de passion. Alors lorsque celle-ci prend les traits d’une jeune péruvienne, Warnker se laisse prendre au jeu de l’amour et de l’adultère. Parfois, après leurs voluptueux rendez-vous, Malena demande à son amant de poster pour elle quelques paquets. Un bien minime service aux yeux du diplomate en regard du souffle de vie que lui apporte la jeune fille. Et lorsque celle-ci lui déconseille de se rendre à la fête de Noël de l’ambassade du Japon, il obéit aveuglément. Une fête qui tourne à la prise d’otages. Tout occupé à sa passion, Warnke n’a pas voulu voir qu’il était manipulé, il a seulement voulu croire qu’il était désiré.
Sous couvert d’une histoire de terroristes qui sert de prétexte, c’est une touchante histoire humaine que raconte Arnon Grunberg : celle d’un homme à qui tout semble réussir et qui finalement s’aperçoit que tout ce qu’il a construit n’est que leurre car il y manque une chose essentielle, la passion. Quand il en prend subitement conscience, le processus d’autodestruction se met alors en branle. Prêt à poursuivre une chimère – la passion qu’il s’imagine – le personnage, jusqu’ici très lisse, explose d’humanité. De ses fantasmes enfouis à la culpabilité qui le ronge en passant par sa nouvelle vocation poétique, Warnker est plus que jamais un homme, un être de chair, de sang et d’émotions. Celles-ci, trop longtemps enfouies, le submergent jusqu’à la déraison. Un agréable roman qui m’a laissé une impression étrange de lecture : celle d’être à la fois si proche et si loin du personnage. On assiste à son éclosion, partageant avec lui ses doutes, témoin de ses tourments intérieurs et pourtant, Arnon Grunberg nous tient toujours à distance respectueuse de Warnker. Peut-être pour mieux ménager l’effet de surprise de la fin et ma foi, ça marche. Mais chut !
Le Bonheur attrapé par un singe d’Arnon Grunberg (traduit du néerlandais par Anita Concas). Editions Actes Sud (2008).