Les heures souterraines

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C’est le 20 mai. Il y a quelques mois, une voyante a prédit à Mathilde que ce jour-là lui apporterait du changement. Elle n’y croit pas vraiment, Mathilde, à ces histoires mais elle espère quand même que quelque chose viendra enrayer le terrible engrenage qui la broie depuis quelques mois. Cadre dans une grande entreprise depuis huit ans, bras droit de son patron, Jacques Pelletier, Mathilde est aujourd’hui en proie au harcèlement moral. Perte de responsabilités, mise à l’écart, mise au placard, Mathilde ne sert plus à rien dans ce travail qui lui a pourtant redonné le goût de vivre lorsqu’elle s’est brutalement retrouvée veuve avec trois enfants en bas âge. Ce travail, elle s’y est accrochée pour tenir debout, pour exister, pour être au monde. C’était une partie de sa nouvelle vie. Aussi lorsque sournoisement s’immisce le travail de sape de son patron, Mathilde est anéantie mais continue inlassablement à se rendre à son travail après avoir emprunté RER et métro.

Thibault est médecin aux Urgences Médicales de Paris. Toute la journée, il sillonne des quartiers de Paris et croise les petites et grandes détresses de l’existence. Aujourd’hui, il a rompu avec Lila. Il a besoin d’amour, elle ne sait pas lui en donner. Et c’est en proie à une solitude proche du vertige qu’il fait sa tournée, écrasé par la ville, « cette supersposition de mouvements. Ce territoire infini d’intersections, où l’on ne rencontre pas. »

A travers Mathilde et Thibault, Delphine de Vigan déroule le fil de la solitude. Celle des humains perdus dans les grandes mégalopoles, celles des travailleurs avalés par un système, celles d’une femme et d’un homme qui voudraient laisser « toute leur vie fatiguée » derrière eux et se reposer sur l’épaule de quelqu’un qui « connaîtrait le vertige, la peur et la joie ». On en vient à espérer une rencontre, un effleurement, une bousculade de ces deux solitudes. Mais Delphine de Vigan ne fait pas dans la bluette, offrant au lecteur une réalité terrible et sans concession. Delphine de Vigan a su éviter l'écueil du récit trop long qui aurait été inutile ici et aurait enlisé le sujet. Une lecture agréable et justement dosée.



Les heures souterraines de Delphine de Vigan. Editions Jean-Claude Lattès (2009).

Publié dans Voyages en France

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C
<br /> déprimant et accusateur... j'ai bien aimé <br /> <br /> <br />
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M
<br /> J'ai dû l'abandonner à mi-parcours tant je le trouvais déprimant! "No et moi", en revanche , je l'ai bien aimé mais j'ai conscience que la réaction à un livre dépend beaucoup de sa propre<br /> histoire! <br /> <br /> <br />
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V
<br /> Oui c'est vrai! et j'ai tendance à aimer les choses déprimantes... ;-)<br /> <br /> <br />
A
<br /> Apparemment, c'est une lecture qui vaut le détour...alors qu'au tout départ lire cette écrivaine ne me tentait pas vraiment.<br /> <br /> <br />
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V
<br /> C'est intéressant mais pas un coup de coeur en ce qui me concerne. J'avais été déçue par son premier roman, No et moi, que beaucoup de monde avait encensé. C'est<br /> agréable à lire dans l'ensemble mais je ne sais, pour moi, il y manque ce petit supplément d'âme qui pourrait m'emporter.<br /> <br /> <br />