La Boutique des Temps Modernes

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Ça commence comme un bout de tendresse, ça finit comme un coup de poing. Pourtant pendant un instant, c’est l’étonnement qui a dominé, l’agacement même. Ce n’était pas le film auquel je m’attendais, pas le film dont le réalisateur m’avait parlé il y a un an (filmer une boutique de quartier, lieu de rendez-vous des habitants). Enfin si, c’était ça mais c’était autre chose aussi. Il nous avait certes prévenus que cette fois, sa caméra n’était plus si invisible, ni lui d’ailleurs. Oui il nous l’avait dit. Mais pendant un instant, je me suis demandé ce qu’Alexandre Boutié faisait là, pourquoi subitement il se filmait lui-même, pourquoi c’est dans son intimité qu’il nous faisait entrer. Dans celle de ses aïeuls et dans celle de ses descendants aussi avec ses si belles images qui se passent de mots de la lumineuse Joséphine et de ses petits camarades. Et finalement, ce que je croyais ne pas avoir vraiment compris m’a bouleversée, chamboulée, retournée longtemps encore après la projection.
Ce qu’il y a dans « La boutique des Temps Modernes », c’est bien sûr une profonde humanité. Je crois qu’elle habite la caméra d’Alexandre quel que soit le sujet filmé.
Ce qu’il y a dans « La Boutique des Temps Modernes », c’est aussi ce qu’il y a de plus beau à la Réunion. Pas les paysages de cartes postales, non. Ça, on s’en fiche, tant d’autres nous les montrent ! Ce qu’il y a de plus beau, c’est nous, le métissage, les rencontres, les couleurs qui se mêlent, les cohabitations parfois étranges entre les religions, entre le passé et le présent, entre les traditions, le respect des valeurs et le chant des sirènes de notre monde moderne.
Ce qu’il y a aussi dans cette « boutique » décidément bien fournie, c’est la quête, la quête de soi. Tout comme il y a quelques semaines, une simple nouvelle de
Karine Fougeray a ouvert en moi des failles et réveillé les souvenirs du non-dit, le film d’Alexandre Boutié a appuyé, doucement d’abord et presque douloureusement ensuite, sur les manques. Alexandre découvre au cours du tournage que son arrière grand-père (ancien maire de la ville où Alexandre a grandi, où il vit et qu’il filme aujourd’hui) avait choisi Pétain plutôt que De Gaulle. Il prend ça en pleine poire, au fil d’une conversation, et, avec cette nouvelle, la conscience que l’on ignore souvent beaucoup (trop ?) de son histoire.
J’ai le manque d’un grand-père que je n’ai jamais connu et dont on ne parlait jamais, si ce n’est deux anecdotes venues une de ma grand-mère et une de ma mère, les deux ne lui rendant malheureusement pas vraiment un bel hommage. Est-ce qu’il n’était que cela ? et n’ai-je pas un peu de lui en moi ? Mon père m’a dit un jour en parlant de généalogie qu’il n’en voyait pas l’intérêt : « Et si tu découvres que ton ancêtre était un tueur sanguinaire ? » m’a-t-il demandé. De toute façon, de ce côté-là de la famille, c’est comme si on n’avait pas d’histoire. Et si moi, en vieillissant, j’étais en manque d’histoire ?
A peine plus de 50 minutes et l’effet d’un cyclone au fond du coeur. Alors, à Alexandre, j’ai juste envie de dire merci.


Film : « La boutique des temps modernes » réalisé par Alexandre Boutié (Les films 1,2,3).

Autre film d'Alexandre Boutié: "Le grand petit monde de la Rivière des Roches" (sur une communauté de pêcheurs de bichiques). Disponible en DVD.
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J
Etant assis dans le fond, il y a de fortes probabilités que vous fussiez assise devant nous... :-DPardonnez-moi, il m'arrive facilement de taquiner.
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J
Le public était nombreux... Mais il y a de fortes présomptions pour que vous fussiez la dame assise devant... (probabilité quant tu nous tiens) :-)Sans contrainte... mais quand même présente si c'est pas de la passion on se demande ce que c'est...
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V
<br /> Ah ben oui, quand on aime, one compte pas... et puis je faisais une bonne action, j'amenais du monde découvrir le film.<br /> La dame assise devant... devant qui?<br /> <br /> <br />
J
J'ai déjà largement distribué le premier, et il est certain que je tiens déjà mes prochaines idées de cadeau pour toute la famille... Vous êtiez là ? C'était vous la jeune fille en blanc derrière la caméra ?J'ai eu énormément de plaisir à voir cette salle bondée, trés touché de voir la joie de pépé Joseph, mais déçu que Philippe ne soit pas venu... Il est adorable !Et merci pour le petit mot sur mon blog, vous êtes la bienvenue... attention à l'addiction ! ;-)
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V
<br /> Eh non, raté pour la jeune fille derrière la caméra, ce n'était pas moi! J'étais dans le public à profiter du spectacle sans aucune contrainte professionnelle!<br /> <br /> <br />
J
Je suis allé voir ce film hier soir... Contrairement à vous je ne savais aps vraiment à quoi m'attendre. J'imaginais un film dans la lignée du Grand petit monde de la rivière des roches (qui soit dit en passant est aussi le mien depuis 6 ou 7 ans).J'ai vu un film techniquement moins maitrisé que le premier, mais nettement plus touchant, tendre et attachant... J'ai habité ce quartier plusieurs années, la maison qui jouxte celle de pépé Joseph, j'ai vécu avec ces gens, Noels, mariages, baptêmes... et malgré cela le film m'a profondément ému...C'est un film profondément humain, tendre, bouleversant. Un moment privilégié passé dans l'intimité de ce quartier du Liberia /Refuge qui semble hors du temps... Alexandre m'a remué les tripes une nouvelle foi... Bravo !Achetez le DVD qui ne manquera pas de sortir, et profitez en aussi pour vous procurer celui de la Rivière des Roches, il le mérite vraiment.
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V
<br /> C'est vrai qu'il sait nous remuer les tripes avec sa caméra et sa sensibilité! Vivement la sortie en DVD pour que je puisse faire partager ce petit bout d'humanité<br /> tout autour de moi!<br /> <br /> <br />