Thierry, indigne-moi !
Hier, j'étais là :
à la manifestation organisée par le SNJ Réunion suite à des événements survenus samedi 15 septembre à Saint-Denis lors de la conférence de presse d'un élu local, également député de la Réunion. Des événements indignes d'un état démocratique, d'un pays qui se revendique inventeur des Droits de l'Homme.
Bien que Le Port de l'Encreuse ne soit pas une tribune politique ou sociale, j'ai souhaité relater ici des faits qui me révoltent.
Vendredi 14 septembre, un élu local (maire) et député offrait un nouveau coup médiatique en décidant de camper dans les jardins de la Préfecture devant le refus du Préfet de la Réunion de le recevoir alors qu'il venait quémander, militants à l'appui ("des parents d'élèves" dit l'élu) des contrats aidés supplémentaires suite à la suppression de ceux-ci. Certes la suppression de ces postes est un réel problème, notamment pour le bon fonctionnement de l'accueil des élèves dans les établissements scolaires. C'est un fait avéré. Rappelons aussi que le problème rencontré aujourd'hui relève également d'une mauvaise gestion des communes dans le quota d'emplois aidés distribués à chacune d'entre elles. La pensée à court terme faisant malheureusement souvent loi : on utilise sans compter pensant que la manne providentielle ne se tarit jamais. Mais voilà, coupes budgétaires = suppressions d'emplois et voilà nos élus fort démunis lorsque la rentrée fut venue. Bref, pas ici de remise en cause de la revendication mais de la méthode, oui.
Notre député-maire, habitué à la politique spectacle teintée de populisme, décidait vendredi de s'agenouiller devant un représentant de la Préfecture. Image symbolique pour les militants accompagnateurs - pardon ! les parents d'élèves - qui érigent aussitôt leur maire comme le seul élu de la Réunion prêt à tout pour défendre corps et âme leurs droits. C'est "beau" et ça va au moins faire la Une des journaux. Mais voilà l'élu insistant se voit sortir manu militari en début de soirée des jardins de la Préfecture où il commence à déployer sa tente. Remercié et raccompagné par les forces de l'ordre, l'homme éconduit fait, semble-t-il, un malaise. Il gît, au bas d'un escalier, apparemment inconscient. Panique, cris, pleurs et le SAMU le conduit aux urgences. Dès lors la vindicte se déchaîne contre ce préfet aux méthodes honteuses qui n'a même pas eu le temps de faire ses preuves, arrivé fraîchement en poste sur l'île. On crie à la démission avec malheureusement quelques trémolos identitaires : "retourne dans ton pays !". Lequel ? La France ? Parce que par ici on n'est pas en territoire français ? Comment peut-on alors revendiquer des contrats aidés à l'état français ? No comment…
Le lendemain, samedi 16, le dit élu convoque, toujours devant la préfecture une conférence de presse. Nous voilà rassuré, il s'en est sorti avec plus de peur que de mal. Seul signe de la veille : une minerve en raison d'une entorse aux cervicales. Avant de commencer sa conférence, l'élu demande : "Y a-t-il des journalistes du Journal de l'île (JIR) présents ? Si c'est le cas, je leur demande de quitter les lieux ; je ferais une conférence de presse pour eux lorsque j'aurais décidé de faire du cinéma et non plus de la politique." On sent l'homme piqué au vif : le matin même, ce quotidien local avait titré en Une "le grand cinéma" avec des photos, de sa génuflexion et de son évacuation sur un brancard. Et le spectacle continue donc : invitation de TOUS les médias à une conférence de presse puis demande expresse à certains journalistes de vider les lieux. Mais voilà, une des journalistes du site internet de cet organe de presse ne s'en laisse pas compter et continue à travailler sans que l'élu ne s'en aperçoive. Quand soudain, une militante debout derrière lui l'interpelle "mais ça c'est le JIR !" montrant la journaliste caméra au poing. Et là tout va très vite, on scande "dégage, on t'a dit de dégager !" La journaliste est bousculée, on lui arrache violemment sa caméra. Un confrère d'un autre journal s'interpose et se retrouve roué de coups, jeté à terre. Poings et pieds pleuvent au milieu d'une foule avide d'en découdre. A côté l'élu ne réagit pas. Il attend, n'appelle à aucun moment au calme. Le journaliste molesté est lui aussi conduit aux urgences, profondément choqué.
Dimanche 16, le SNJ Réunion décide un rassemblement pour le lendemain en soutien aux journalistes agressés.
Lundi 18 septembre, près de 200 personnes (journalistes en grande majorité, élus locaux, personnes civiles) se sont réunis pour dire non à ce type d'exaction. Une solidarité rare dans la profession qui était belle à voir. Et pendant la manifestation, nous apprenions que la mairie de Saint-Leu (commune de l'élu) déclarait officiellement les journalistes du JIR persona non grata aux conseils municipaux de la ville.
Un bel exemple de démocratie de la part d'un élu, qui plus est impliqué au niveau national, non ? Merci Monsieur Thierry Robert de nous avoir rappelé que la liberté de la presse n'était pas encore une affaire gagnée, même dans une démocratie.