Solaire

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Bien qu'il soit question de réchauffement climatique dans cette nouvelle histoire imaginée par Ian McEwan, Solaire n’est pas vraiment un roman écolo mais une chose est sûre, c’est un livre vraiment rigolo. Enfin, quand je dis rigolo, c’est plutôt pour la rime. Car il ne s’agit pas là d’humour potache ou tiré par les cheveux pour donner de la couleur à une intrigue un peu insipide. Non, ici l’humour ferait plutôt grincer des dents et si on rit, c’est jaune.

Au départ, le héros pas vraiment solaire de Ian McEwan nous ferait plutôt sourire avec son désir encombrant et paraîtrait même attachant, un peu largué entre un cinquième mariage qui touche à sa fin et une carrière qui vivote gentiment. Auréolé de son prix Nobel de physique, Michael Beard donne conférences et cours aux quatre coins du monde mais question recherches, il est plutôt has-been. Le développement durable étant dans l’air, il supervise de loin un projet autour des énergies renouvelables - une histoire d’éolienne urbaine qui ne le passionne guère. Sans compter ce jeune physicien, Tom Aldous, qui lui tape sérieusement sur le coquillard avec ses histoires d’énergie solaire. Beard est bien plus préoccupé par Patrice, sa dernière femme, qui lui fait payer ses infidélités, assouvissant sa vengeance dans d’autres bras. Et cet homme vieillissant qui commence à s’arrondir serait presque touchant dans ses tentatives de reconquête.

A la faveur d’un malencontreux accident et grâce aux recherches du jeune physicien encombrant, Beard se remet sur le devant la scène scientifique. Quelques années ont passé, sa femme a refait sa vie et les yeux du monde entier sont tournés sur le projet révolutionnaire d’énergie solaire de Beard. Le scientifique vit une histoire avec une nouvelle femme, Melissa, qu’il a bien juré de ne jamais épouser. Il a bien aussi une relation aux Etats-Unis avec une serveuse généreuse, tant dans les formes que dans les plaisirs qu’elle prodigue, qui vit dans une caravane. Tant que ces deux mondes-là ne se rencontrent pas et n’exigent rien de lui, Beard fait son nid. Et dévoile petit à petit au lecteur le personnage cynique, misanthrope, limite misogyne, incapable d’aimer quelqu’un d’autre que lui-même qu’il cache sous sa carcasse qui ne cesse de prendre de l’ampleur. La mauvaise conscience, c’est pour les autres. Lui, il a un jour obtenu un prix Nobel qu’il vit comme une immunité. Mais Beard n’avait pas compté que le monde tourne aussi autour de lui, qu’on puisse lui réclamer plus qu’un peu de sexe et que l’aigreur et le mépris qu’il distille depuis des années puisse un jour se retourner contre lui. Au fur et à mesure qu’il s’enfonce dans les problèmes, on se prend à sourire, à s’imprégner du cynisme qui baigne le roman et même, avouons-le, à souhaiter à Beard tout le malheur du monde ou presque.

Avec Solaire, Ian Mc Ewan campe avec virtuosité un anti-héros qui devrait marquer cette année littéraire. Du vrai et du bon roman où se mêlent enjeux de notre monde moderne et bassesse humaine et qui égratigne avec humour les Nobel qui, finalement, sont avant tout des humains.

 

Solaire de Ian McEwan (traduit de l'anglais par France Camus-Pichon). Editions Gallimard, coll. Du Monde Entier/ 2011.

Publié dans Voyages à l'étranger

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A
<br /> <br /> Ton billet est plus positif que celui que j'ai lu ailleurs, ça me donne très envie de le lire (sans compter que ma libraire m'en chantera les louanges, je crois...)<br /> <br /> <br /> <br />
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V
<br /> <br /> En tout cas, moi je l'ai beaucoup beaucoup aimé! La première partie est un peu plus technique (ça cause un peu physique quoi) mais c'est vraiment chouette et j'ai trouvé le procédé autour du<br /> héros intéressant: on commence par l'aimer (enfin il est assez attachant) puis on finit par se réjouir de ses malheurs.<br /> <br /> <br /> <br />