Sans la télé
Petit livre ô combien jubilatoire, Sans la télé n’est pas un roman mais une sorte d’autobiographie version cinémascope. Jeune garçon élevé en banlieue bordelaise, Guillaume Guéraud se sent décalé dans la cour de récré quand tous ses petits camarades évoquent la voix vibrante le dernier épisode de « Goldorak », de « La Petite Maison dans la Prairie » ou même de « Dallas ». Oui mais voilà, chez Guillaume, il n’y a pas la télé. Il a beau supplier sa mère qui lui répond que « la télé ça donne les yeux carrés » ou son oncle qui rétorque que « c’est un poison qui rend con ». Et lorsqu’il chante à tue-tête le générique de Tom Sawyer sans en avoir jamais vu un seul épisode, sa maman lui offre tout sourire un gros bouquin de Mark Twain. Mais lui, c’est la télé qu’il veut. Pour faire taire ses demandes incessantes et aussi, il faut bien l’avouer, pour des raisons d’organisation, sa mère l’emmène au cinéma. Et c’est dans les salles obscures que le jeune Guillaume se prend de passion pour le septième art. Les films ne sont pas de son âge, qu’importe, ils lui procurent une émotion telle qu’il se rend au cinéma une à deux fois par semaine des années durant. C’est devant les films qu’il éprouve ses premières vraies émotions : angoisse, peur, désir, etc. Et c’est aussi là qu’il va comprendre que la télé ne donne qu’une vision étriquée du rêve, des films et peut-être même de la vie.
Parue en collection DoAdo, je ne suis pas certaine que Sans la télé parle vraiment à nos enfants. Mais à nous, la génération née dans les années 70 certainement, notamment par ses références télévisuelles. Et aux amoureux du cinéma assurément car c’est bien d’amour dont il est ici question, d’un amour inconditionnel et contagieux qui, comme le dit Laure dans son billet, donne envie de se faire de longues soirées DVD pour découvrir ou redécouvrir la filmographie citée par Guillaume Guéraud (avec en bonus, pour chacun, une bonne raison de les voir). Idéalement, j’aurais envie d’une petite salle de ciné qui rediffuserait tous ces films !
Un livre qui, vous l’aurez compris, m’a complètement conquise. Sûrement parce qu’avec la littérature, le cinéma est une forme de voyage à laquelle je suis sensible. Curieusement, j’ai découvert le cinéma à la télévision. Je me suis souvenue, à la lecture de ce livre, des belles émotions procurées par le "Cinéma de Minuit" (ah ce générique!) et ses vieux films projetés tard le soir, la découverte des vieux films américains, du noir et blanc. Ce sont eux qui m’ont réellement envie d’aller au cinéma. Et j’en ai dévoré de la pellicule lors de mes après-midi d’étudiante dans les salles toulousaines ! Ce furent de purs instants de bonheur, d’émotions, de découvertes. C’étaient mes petits rendez-vous à moi, je me rendais souvent seule dans les salles obscures, j’y découvrais les films en VO, l’art et essai loin des grosses productions et des files d’attente interminables. Et c’est comme ça, par une après-midi au cinéma Utopia de Toulouse, que je suis tombée par hasard sur M Le Maudit de Fritz Lang et que j’en fus marquée, à jamais… comme Guillaume Guéraud.
Sans la télé de Guillaume Guéraud. Editions du Rouergue, coll. DoAdo/ 2010.
Merci à Laure qui a eu la bonne idée d’offrir ce livre à ma Loute !