Où j'ai laissé mon âme
1957 : la guerre d’Algérie avec tout ce qu’une guerre peut charrier d’atrocités. Dans le camp d’El Biar, le colonel Degorce est chargé, avec ses hommes, d’interroger les rebelles. Et en ces temps de guerre, la fin justifie les moyens et la torture est un moyen efficace de faire parler même les plus récalcitrants. Une fois les aveux faits, les prisonniers sont confiés au lieutenant Andréani, un transfert en général synonyme de disparition.
Andréani et Degorce se connaissent bien pour avoir déjà partagé l’enfer du Vietman en 1954. Mais si à l’époque, ils se battaient l’un à côté de l’autre, ils semblent cette fois se battrent l’un contre l’autre, dans une guerre sourde. Quand Andréani accepte l’horreur que peut receler l’âme humaine, Degorce se débat avec sa conscience. Point d’orgue de cette lutte larvée, l’arrestation de Tahar Hadj Nacer, colonel à l’ALN, une prise qui vaudra assurément les honneurs à Degorce. Mais à quel prix s’interroge le capitaine. La guerre d’Algérie a transformé l’humain en bête, Degorce y a laissé son âme et les réponses aux missives de son épouse Jeanne-Marie, se font de plus en plus laconiques. Non plus qu’il n’ait plus de sentiments, plutôt qu’il ne s’autorise plus à en avoir.
Récit terrible de ces guerres qui transforment à jamais les hommes, des poids à porter pour continuer à vivre une fois sorti de l’enfer, Où j’ai laissé mon âme interroge la culpabilité, la conscience, le devoir. Parce qu’Andréani et Degorce sont d’abord les soldats d’un pays à défendre, à honorer. Où s’arrête le soldat et où commence l’homme ?… c’est tout le conflit intérieur que livre Degorce. Où j’ai laissé mon âme est un roman somptueux par la langue fine, précise, envoûtante de Jérôme Ferrari. Chaque mot y a sa place, les phrases sont d’une beauté fulgurante : un beau et dur roman mais aussi, pour moi, la découverte d’un auteur talentueux.
Où j’ai laissé mon âmede Jérôme Ferrari. Editions Actes Sud/ 2010.
Merci à Laure, ma bonne fée littéraire, dont le billet m'avait donné envie de découvrir ce roman et qui me l'a gentiment envoyé.
D'autres lectures chez BOB, le beau billet de Jérôme et l'avis d'Anne qui l'a découvert récemment elle aussi.