Les mots de Pascal Garnier
« L’homme et la femme se font face, les bras croisés sur la table, presque front contre front, penchés au-dessus de deux tasses de café vides. On pourrait croire aux deux éléments d’un serre-livres sans livres. Lui doit avoir la quarantaine bien sonnée, la face osseuse, martelée de creux, les joues, les yeux, les trous de nez. Ses cheveux gras rejetés en arrière rebiquent sur le col de son pardessus. Elle est de dos, mais on voit un quartier de son visage dans le miroir, un quartier mal famé, fariné de poudre blanche supposée masquer la couperose, les boutons, les rides. Un gâteau laissé trop longtemps en vitrine. On peut lui donner le même âge incertain que son compagnon. Tous deux ont la même bouche, aux lèvres charnues, sensuelles, rouge sang, presque tuméfiées. Ils ont dû beaucoup s’embrasser. Ils ne parlent pas, ils se regardent, se lisent l’un autre, indifférents à tout ce qui les entoure. »
extrait de La théorie du panda de Pascal Garnier (Editions Zulma/ 2008)