Le petit désordre de la mer
Barbara Zara est en train de disparaître, de déserter sa vie, de s’enfuir de la vie. Auteure reconnue de livres pour enfants, Barbara n’a plus qu’une histoire à raconter, celle belle et triste de La Fille de l’Air. Ses enfants la rattachent encore à la terre alors qu’elle voudrait parfois s’envoler, ne plus sentir le poids des choses. Le poids d’une mère qui l’a abandonnée sans un mot à six ans, celui d’un amour qui l’a délaissée, celui du silence d’un père qui ne savait pas trouver les mots pour combler sa douleur. Alors que sa meilleure amie, Andreea, court à l’autre bout du monde exposer ses toiles qui déchirent Barbara, la jeune femme se rend presque chaque jour dans la maison d’Andreea pour nourrir le chat et arroser les plantes, pour que la vie continue malgré l’absence de la maîtresse de maison. Dans ce refuge improvisé, face aux humeurs changeantes de la mer, Barbara déroule le fil de sa vie, de ses joies, de ses manques, de ses blessures. Elle interroge la petite fille brisée qui, à cause du manque de mère, ne s’est jamais construite tout à fait, sinon en se racontant des histoires.
Bien que Le petit désordre de la mer soit le troisième roman de Joëlle Ecormier, je connais d’elle surtout ses écrits pour la jeunesse, que j’apprécie beaucoup. Le petit désordre de la mer est sans aucun doute l’écrit le plus personnel de cette auteure par ce qu’il évoque de l’écriture, de l’île, du rapport à la mer et à la nature. Mais il y a aussi bien plus que cela dans ce roman à la poésie enveloppante. Barbara est en quête, celle de l’apaisement ; elle cherche des réponses à ses questions de petite fille qui n’ont jamais cessé de la hanter. Elle cherche une raison à continuer de vivre dans un monde où elle s’est construite sur la douleur et le manque. Sa vie à elle, ce sont les mots, ils la maintiennent en équilibre. Et lorsqu’ils se dérobent, que reste-t-il ? Une famille que l’on a construite mais qui s’est disloquée, une amitié dans laquelle on s’est réfugié mais qui n’empêche pas les peurs et les doutes, le bruit des gens autour qui ne comble pas la solitude ? Il arrive un moment où se raconter des histoires ne suffit plus… c’est la sienne qu’il faut prendre en main. Baignant entre mélancolie et vraie lumière, Le petit désordre de la mer s’est révélé une jolie parenthèse enchantée où j’ai aimé plonger, portée par la langue faite de douceur et de poésie de Joëlle Ecormier.
Le petit désordre de la mer de Joëlle Ecormier. Editions Océan (2009) - Prix de La Réunion des Livres, catégorie Roman.
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