La carte et le territoire
C’est à la faveur d’un partenariat proposé par Price Minister que j’ai découvert Michel Houellebecq. J’avoue que, comme beaucoup, le bonhomme et son succès tapageur des premières années m’avaient, depuis des années, tenue à l’écart de ses livres. C’est donc avec curiosité que j’ai abordé La Carte et le territoire, dernier opus en date de Houellebecq.
Les bruits incongrus et inquiétants de son chauffe-eau replongent Jed Martin, artiste de son état dans les souvenirs : ses débuts d’artistes, les premiers succès avec une exposition de photographies réalisées à partir de cartes Michelin, la rencontre avec la belle Russe Olga qui deviendra un grand amour - le seul d’ailleurs de sa vie, son changement de cap artistique jusqu’à cette nouvelle exposition de peinture autour d’un long travail à représenter des métiers. Pour écrire le catalogue de cette expo attendue par le monde de l’art, Jed fait appel à Michel Houellebecq, écrivain à succès, vivant aujourd’hui à l’écart du tourbillon éditorial. Une rencontre avec un homme dont Jed se sent étrangement proche. Les deux hommes posent un regard désabusé sur la vie, incapables d’être totalement intégrés à la société qui les entoure. Une rencontre finalement brève mais qui laissera des traces dans la vie de Jed. Car de nombreuses années après leur dernière entrevue, Jed devient une pièce maîtresse dans l’enquête menée suite à la mort particulièrement violente de Houellebecq.
Difficile à résumer car riche, La carte et le territoire m’a véritablement surprise. Exit le côté sulfureux, signature de Houellebecq qui a fait couler tant d’encre lors des précédentes publications. Et place à un roman dont j’ai aimé l’auto-dérision que certains ont qualifié ici et là d’égotisme et d’égocentrisme. Je pencherais plutôt pour une très habile mise en abyme, Houellebecq dressant de lui-même un tableau, s’il n’est certes pas dénué d’une certaine auto-satisfaction quant à sa place dans la littérature contemporaine, pas toujours valorisant : alcoolique, misanthrope, l’homme n’engage pas vraiment le lecteur à l’empathie. Il s’amuse au contraire de sa réputation sulfureuse. Roman à la fois intime et social (et en partie policier), La carte et le territoire interroge l’art, les relations familiales, le rapport à l’argent, à la célébrité, à l’amour et plus généralement notre société avec cynisme et humour. Le personnage de Jed Martin semble déambuler dans la vie comme dans une grande rue, s’arrêtant de temps à autre, plus ou moins longuement, devant certaines enseignes sans qu’aucune ne semble vraiment trouver grâce à ses yeux. Seule la création l’inscrit au monde et finalement malgré lui. Voilà sa vie semble avancer malgré lui.
Première rencontre donc avec Houellebecq et une bonne surprise, malgré quelques tics d’écriture qui m’ont sensiblement agacée au départ, comme tous ces mots en italique comme une manière de montrer au lecteur ce qui est important sans se justifier la plupart du temps ou comme si écrire « bite » devait être mis en exergue pour pointer un côté sulfureux. Heureusement cette fâcheuse tendance s’amenuise considérablement pour presque disparaître au fil du roman, laissant le lecteur véritablement s'imprégner de l'histoire dense qui compose le roman.
La carte et le territoire de Michel Houellebecq. Editions Flammarion/ sept. 2010.
Merci à Rémi de Price Minister et aux éditions Flammarion pour l'envoi de ce livre.