Haïti kenbe la!
Sous-titre : 35 secondes et mon pays à reconstruire
L’auteur Rodney Saint-Eloi vient d’arriver à Haïti, son pays natal, dans le cadre du festival Etonnants Voyageurs lorsque le terrible séisme se produit. Nous sommes le 12 janvier 2010, la terre vient de faire goudou-goudou. Il aura fallu trente-cinq secondes pour ébranler un monde, celui d’Haïti et de ses habitants.
« Le soleil se cache, phtisique, en arrière des collines et perce timidement sous les toits des quelques maisons qui tiennent encore debout. La seule chose dont je me souvienne c’est ce que je ne veux plus avoir de souvenirs. M’arracher les yeux, les oreilles. Pour ne plus voir. Pour ne plus entendre. Ces voix, ces sanglots, ces hurlements, ces râles qui montent de la terre fendillée. » C’est le tableau terrible juste après la catastrophe que relate Rodney Saint-Eloi : l’angoisse avant d’apprendre si untel a survécu, le soulagement de retrouver les amis vivants, les peines difficiles à partager. Et la découverte d’un pays dévasté dans lequel l’auteur tente de renouer avec les souvenirs, un pays que brusquement il ne reconnaît plus, un pays qui vient de perdre tous ses repères. Si le récit de Rodney Saint-Eloi a forcément une valeur documentaire, il ne se résume pas pour autant à un état des lieux du pays après le séisme mais plutôt l’état des lieux d’un homme haïtien après le séisme. On déambule à ses côtés dans la ville de Port-aux-Princes dévastée, dans les quartiers, dans les réflexions et les souvenirs de l’auteur. Récit personnel, Haïti Kenbe la ! (Haïti, redresse-toi !) est aussi le cri de résistance de tout un peuple : « Les malheurs n’ont pas de klaxon. Tout le monde le sait. Mais en Haïti, on a tellement l’habitude de se coucher et de se réveiller avec qu’on finit par prendre le malheur pour le mauvais rhume des jours de pluie. […] On tombe. Puis on se relève, aidé d’un proverbe quelconque, répétant d’une voix vigoureuse Vye nèg pa vye chen, « Les vieux Nègres ne sont pas des chiens galeux », espérant que la chance fleurisse un jour sous nos fenêtres. »
p. 245 :
« A chaque réplique, j’ai appris à taire en moi les larmes pour faire semblant d’être plus fort que le séisme. Chaque réplique me rapprochait de la faille, de ma faille, confirmant que cette terre ramollie, limon, bourbe, était désormais capable de s’en aller sous nos pieds. »
Haïti, kenbe la ! 35 secondes et mon pays à reconstruire de Rodney Saint-Eloi (préface de Yasmina Khadra). Editions Michel Lafon/ septembre 2010.
Merci à BOB et aux éditions Michel Lafon pour l'envoi de ce livre.