Lorsque nous vivions ensemble - Kazuo Kamimura
Dans le Japon des années 70, la jeune Kyokô, graphiste dans une agence de pub, vit dans un minuscule appartement avec son petit ami Jirô, qui se lente tout juste comme illustrateur indépendant. Mais à cette époque, cette vie libre est loin d'être la norme et sujette à nombre de critiques. A commencer par celles de la mère de Kyokô. Les deux amoureux, eux-mêmes, ont du mal à avouer leur situation à ceux qui les entourent : on fait croire au célibat au boulot allant même jusqu'à inventer des noces fictives aux amis de passage. S'ils se veulent libres, loin des diktats de la société, l'ombre du mariage plane constamment sur la relation de Kyokô et Jiro. Une interrogation permanente à laquelle ni l'un ni l'autre ne semble savoir ou vouloir répondre. Mais lorsque que Kyokô se retrouve accidentellement enceinte, c'est tout le petit monde des deux amoureux qui s'en trouve bouleversé : garder l'enfant ou pas, se marier ? Jirô commence à se faire un nom comme illustrateur et Kyokô ne veut pas lui imposer mariage et enfant. Elle décide ainsi, seule, de se faire avorter et la relation des deux jeunes gens se dégrade. Kyokô sombre dans une terrible dépression, incapable de se remettre de son geste.
Le volume 2 correspond à une année d'enfermement pour Kyokô. Envoyée en convalescence dans un hôpital spécialisé par sa famille, elle se remet doucement. L'occasion aussi pour elle de réfléchir à sa relation avec Jirô. Le manque se fait grandissant. De son côté Jirô n'arrive pas non plus à concevoir la vie sans Kyokô et les deux amoureux finiront par se retrouver. Mais si l'amour qui les lie est sincère, reprendre une vie commune, alourdie par un passé douloureux ne s'annonce pas chose facile.
Dans le troisième tome, Jiro et Kyokô assistent, presque impuissants, au long délitement de leur histoire, entre reproches, lassitude et émiettement du désir.
Véritable phénomène éditorial au Japon dans les années 70, Lorsque nous vivions ensemble explore avec une grande acuité la vie de couple à l'heure de la libération des moeurs. Une libération qui se heurte à une société très normée et soucieuse des traditions. Les héros eux-mêmes ont du mal à assumer complètement leur choix de vie. Si le premier volume ne m'a guère emportée - les incessantes interrogations de Kyokô devenant parfois lassantes -, je me suis laissée embarquer sans même m'en rendre compte par les deux derniers tomes : le récit reprend du souffle et du corps. Et l'ensemble finalement forme un tout vraiment intéressant à découvrir pour la dissection de la relation amoureuse (le désir, la passion, les envies de partage, les petits agacements, la routine, les concessions, les interrogations, la lassitude) mais aussi pour tout ce que cette oeuvre dit en filigrane sur la Japon et la société de cette époque.
Lorsque nous vivions ensemble de Kazuo Kamimura (traduit et adapté du japonais par Thibaud Desbief). Ed. Kana/ 2009.
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