Frère animal
Grâce à une chronique croisée à la radio avec un collègue autour de Florent Marchet, voilà l’occasion de vous parler d’un roman musical que j’ai depuis pas mal de temps et que j’aime énormément sans en avoir jamais fait de billet : Frère Animal d’Arnaud Cathrine et Florent Marchet.
Une fable amère sur le monde du travail et la difficulté à entrer dans les moules qu’on voudrait nous imposer : le sacro-saint métro-boulot-dodo, avec 13ème voire 14ème mois (quand on est chanceux) et retraite à la clé.
Dans Frère Animal, la grande entreprise qui ne connaît pas la crise, c’est la SINOC, Société Industrielle Nautique d’Objets Culbuto : un rayonnement mondial depuis 1944 et six cents employés. Tout pour plaire, me direz-vous ? En tout cas pas au jeune Thibault, enfermé dans les ambitions « sinociennes » de son père et de son frère. Et plus la SINOC nous ouvre ses portes et nous laisse pénétrer dans ses entrailles, plus on est effrayé par tant de froideur dans ce monde où grouillent pourtant tant d’êtres humains. Thibault, lui, la SINOC, son DRH et son avenir tout tracé, il les vomit, ils lui barrent le passage vers la vie, la vraie. Même s’il ne sait pas vraiment encore de quoi il rêve, il sait déjà à quoi il ne rêve pas : ni à la vie de son père ni à celle de son frère ou de son ami Maxime qui se mesure à coups de salaire, de maisons ou de voitures onéreuses et de soumission sourde au système. Mais on n’échappe pas si facilement à la SINOC.
Livre-CD original, Frère animal se lit, s’écoute, l’un après l’autre, l’un avec ou sans l’autre. Et franchement ça marche dans tous les cas. Dix-neuf chapitres qui donnent dix-neuf chansons originales écrites à quatre mains et mis en musique par Florent Marchet qui livrent un regard acéré et terrible de l’entreprise – et qui fait écho à ce qu’on entend malheureusement trop souvent dans l’actualité. Un monde froid qui se débarrasse sans états d’âme des « trop âgés », qui trie les « trop étrangers », qui place avant tout la course à la productivité. Le tout a également donné naissance à un spectacle, joué depuis 2008 sur les scènes de France et de Navarre.
Frère animal d’Arnaud Cathrine et Florent Marchet. Editions Verticales, coll. Minimales/ 2008.
Côté musique avec Florent Marchet, Arnaud Cathrine, Valérie Leulliot, Erik Arnaud, Antoine Lhouillier et Nicolas Martel. Textes d’Arnaud Cathrine et Florent Marchet/ Musique de Florent Marchet.
Laure avait été, elle aussi, séduite.
Pour voir Frère Animal en live, c'est là:
NB: En fond sonore pendant l'écriture de ce billet, le dernier album de Florent Marchet, Courchevel.