Cannibale (BD)
1984. Un barrage sur une route de Nouvelle-Calédonie empêche de passer une voiture au bord de laquelle se trouve un vieil homme calédonien et un blanc. Docéné conseille au chauffeur blanc de faire demi-tour pendant que lui-même décide de continuer à pied pour aller rejoindre les siens quelques kilomètres plus loin. Etonné de voir un vieux Kanak en compagnie d’un Français à l’heure où le pays est en crise, les hommes du barrage interroge Docéné. Celui-ci leur raconte sa relation à ce « chauffeur blanc », une rencontre dans les années 30 à Paris qui a lié à jamais leurs destins. Et ce que Docéné révèle à ses compatriotes, c’est son histoire, la sienne et celles de nombreux habitants des colonies françaises, arrachés à leur terre pour jouer les figurants à l’Exposition Coloniale de 1931 au Jardin d’Acclimatation. Parqués derrière des grilles, les Kanak sélectionnés sont vidés de toute humanité, exhibés comme des animaux au nom de la puissance et de la grandeur de la France. Suite à un incident, le responsable de l’exposition va même « prêter » quelques Kanak à un cirque allemand en échange de crocodiles…
Adapté du livre éponyme de Didier Daeninckx, Cannibale relate l’horreur de ces zoos humains qui indignaient bien peu dans une époque où ils furent légion. Dans l’idée de montrer à la population, l’étendue de leur empire colonial, plusieurs pays européens ont ainsi exhibé des populations, les réduisant bien souvent à des sauvages. Danses rituelles à heures fixes, cris programmés pour effrayer, repas devenus spectacles : l’Exposition Coloniale de 1931, fierté du gouvernement de Doumergue, est pensé comme un gigantesque parc d’attraction, censé reconstituer un monde à « humaniser » grâce à la colonisation. Terrible lorsque l’on sait que tout ceci a véritablement existé et que le récit de Docéné a été inspiré du témoignage réel d’un homme rencontré par Daeninck en Nouvelle-Calédonie. Ça fait froid dans le dos…
Une bande-dessinée à rapprocher (pour l’histoire, pas pour son traitement) de la série Kia Ora d’Olivier Jouvrau et Efa (en trois volumes) qui elle, raconte l’exil d’une famille Maori, arrachée de Nouvelle-Zélande pour rejoindre un zoo humain en Grande-Bretagne. Je n’en ai lu que le premier volume mais je vais tâcher de dénicher les deux autres.
En faisant quelques recherches sur cette grande Exposition Coloniale, j’ai vu qu’il y avait également un « Pavillon de la Réunion » et forcément, je m’interroge sur ce qu’on y trouvait. Mon mode « recherches » est officiellement activé !
Cannibale d’Emmanuel Reuzé (adaptation, dessins et couleur) d’après l’œuvre de Didier Daeninckx. Emmanuel Proust Editions/ 2009.